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11 mai 2023
La collaboration régionale

Unis pour nourrir : la coopération régionale

 

L’autosuffisance est-elle une utopie ? Produisons-nous assez de légumes ? Quelles sont les ressources régionales ? Quels produits pouvons-nous retrouver chez nos voisins pour diminuer les coûts de l’importation ?

Autant de sujets qui placent la production, le climat, le savoir-faire, le terroir, la conservation des produits ou encore le fret au cœur des interrogations. Tentons d’y voir plus clair. 

 

L'autosuffisance est-elle possible ?

 

MANGER SAIN, CONSOMMER AFRICAIN !

Encore loin d’un palier confortable d’autosuffisance, la République de Maurice ne survivrait pas sans importations. Mais grâce à nos compétences en matière agricole, nos cartes diplomatiques et une participation intelligente du secteur privé, le pays pourrait mener sa petite révolution dans l’autosuffisance régionale. L’Afrique, éprouvée par la pandémie, éreintée par l’inflation, donc éveillée de force et consciente de ses besoins, accueille désormais plus facilement les investissements.  Le jeu en vaudrait-il la chandelle ?

9,106.2 dollars. Tel a été le produit intérieur brut par habitant en 2021, selon les données de la Banque Mondiale. Une telle richesse relative signifie que le Mauricien est en mesure de payer pour importer son riz d’Inde ou du Pakistan, sa viande d’Australie ou d’Afrique du Sud et ses champignons en boîte de Chine. Mais quid de la production locale ?

Commençons par une définition de l’autosuffisance. « Dans le contexte alimentaire, c’est la capacité physique et financière d’un pays de subvenir
aux besoins alimentaires de sa population », fait ressortir Jacqueline Sauzier, Secrétaire-Générale de la Mauritius Chamber of Agriculture.
« C’est-à-dire, qu’en plus de produire localement ce dont le pays a besoin, c’est aussi avoir une économie suffisamment stable pour pouvoir s’acheter ce dont elle a besoin. »

En réalité, la facture alimentaire à l’importation en 2022 a été de quelque Rs 52,81 milliards, soit 18% de la facture totale du pays. Dans cette partie de l’océan Indien, l’Afrique du Sud domine le classement en tant que fournisseur pour Maurice et suivant, loin derrière, l’archipel des Seychelles avec des ventes vers Maurice pesant Rs 2,73 milliards. Madagascar et ses millions d’hectares cultivables, pointe à la cinquième place.

Au mix régional existant, ajoutons le Kenya. L’agriculture demeure la colonne vertébrale de la première économie en l’Afrique de l’Est. Cette industrie stagne néanmoins, marquée par l’absence de nouvelles pratiques culturales et une réticence à investir davantage, selon la United States Agency for International Development. La Tanzanie, voisin du Kenya, fait face aux mêmes difficultés. La Grande Ile, aussi. Cela dit, en tenant compte du potentiel agraire de ces pays proches, la région océan Indien/Afrique de l’Est dispose d’une belle marge de progression à court et moyen terme. 

Détentrice d’un doctorat en droit public et ayant soutenu une thèse relative à l’accord sur la facilitation des échanges, le développement durable et Maurice en tant que petit Etat insulaire, Vittiyaiye Teeroovengadum explique qu’abattre cette carte régionale vaut tout son pesant d’or. 

« La pandémie du coronavirus et son incidence sur les échanges mondiaux, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les imprévus économiques ont chamboulé l’économie globale. Les pays revoient leurs priorités, avec l’accent sur de nouveaux horizons commerciaux d’ordre régional. Dans cette nouvelle dynamique, l’Afrique et l’Afrique de l’Est pour Maurice, peuvent être considérées comme étant un choix stratégique tenant compte du climat d’instabilité mondial qui perdure. »

Et d’ajouter : « En sus de l’Afrique du Sud, nous sommes appelés à considérer les proches pays africains en tant que partenaires commerciaux d’avenir. Une stratégie alternative serait d’établir des zones économiques sur les terres africaines, produire, transformer et réacheminer vers Maurice. D’une pierre, deux coups. Cela aura pour effets de réduire les coûts et de consolider la vision d’un développement africain collectif. »

Tout en mettant l’accent sur la conjoncture internationale actuelle, Raj Makoond, Program Director au sein d’Eclosia Group, abonde dans la même direction : « Aujourd’hui, il existe un consensus entre les institutions internationales sur le fait que le monde devra travailler pour une meilleure sécurité alimentaire. »

Maurice et ses 1,26 million d’habitants ont d’ailleurs montré de réelles dispositions à assurer une certaine autosuffisance alimentaire pendant la douloureuse année de 2020. Contraints par le confinement, les Mauriciens ont effectué un timide retour à la terre en attendant un retour à la normale.

AU-DEVANT DE LA SCÈNE DEPUIS LA PANDÉMIE

L’Etat a saisi la balle au bond, multipliant les mesures financières pour soutenir la communauté mauricienne et les planteurs, tels que les Rs 68 millions déboursés pour 500 projets et bénéficiaires en 2021 et 2022, dont Rs 50.4 millions pour la culture sous serre. Qui plus est, les petits planteurs ont bénéficié d’un apport de Rs 155 millions l’an dernier, incluant Rs 64 millions sous forme de subsides pour les fertilisants (3,531 bénéficiaires) et Rs 51 millions pour compenser les pertes engendrées par des conditions climatiques extrêmes (5,619 bénéficiaires).

« Atteindre l’autosuffisance a été un objectif fixé par tout gouvernement, mais elle a davantage été au-devant de la scène lors de la pénurie alimentaire engendrée par la pandémie du coronavirus », explique l’économiste Takesh Luckho. « Cependant, la route vers l’autosuffisance est difficile. Nous dépendons toujours des importations pour répondre à 50% de la demande locale pour le poisson et 30% pour les légumes. »

Pour Shemida Ramdewar-Imrith, qui a dévoué 17 ans de sa vie à l’agriculture et qui milite pour l’émergence d’une agro-industrie moderne, l’accent est désormais plus régional. « Les îles de l’océan Indien et l’Afrique de l’Est ont un rôle important dans l’autosuffisance alimentaire. Nous pouvons y importer les aliments que ne pouvons obtenir ici tels que les fruits d’Afrique du Sud, les épices, fruits de mer et grain secs (Madagascar) et les noix des différents pays d’Afrique de l’Est. La pénurie de terres agricoles se fait sentir au sein de la communauté des planteurs. Avoir accès à des terres comme Madagascar peut être bénéfique pour les deux pays, cela nous donnera accès à d’autres produits. Ce serait une occasion pour les grains secs, par exemple. »

« Dans l’idéal, une coopération accrue entre Maurice, La Réunion, Madagascar, les Comores et l’Afrique de l’Est apportera des réponses à la problématique de la logistique et de la sécurité alimentaire en termes de proximité des marchés et du potentiel »souligne Raj Makoond. « Admettons que Maurice soit autosuffisant en matières agricoles. A partir de là, nous devrions travailler pour apporter cette complémentarité dans la région. »

L’ACCOMPAGNEMENT, UNE POSSIBILITÉ

C’est dans ce contexte, qu’après avoir posé les bases du business inclusif à Madagascar dans le domaine avicole, le groupe Eclosia considère aujourd’hui de devenir un partenaire dans la culture du maïs à Madagascar. « Nous ne sommes pas des agriculteurs. Nous achetons et nous transformons le soja et le maïs pour en faire de la nourriture pour la filière avicole. Mais nous sommes prêts à jouer un rôle de facilitateur dans la Grande Ile en apportant un débouché pour les produits et  aussi une expertise pour rassembler les planteurs de maïs, booster le nombre d’entrepreneurs agricoles et améliorer leur rendement.  Notre ambition est d’aider les planteurs malgaches à développer, de façon durable, leurs cultures afin d’avoir une autosuffisance pérenne pour le pays. »

Aujourd’hui, dans la Grande Ile, Livestock Feed Madagascar produit 70,000 tonnes d’aliments avec comme intrant 40,000 tonnes de maïs malgache. « Afin que l’élevage se développe pour répondre à la demande de la population locale, il est certain que davantage de maïs est requis. Ce n’est qu’une fois les besoins locaux assurés que l’exportation pourrait être considérée. » 

L’Argentine et l’Europe restent pour l’heure les sources majeures d’approvisionnement pour la région. Or, en accompagnant la production de maïs à Madagascar et en dépassant le seuil d’autosuffisance du pays, le surplus produit trouverait logiquement des débouchés à Maurice et dans la région. Ce qui apporterait un revenu supplémentaire aux agriculteurs malgaches tout en diminuant le coût du fret et de l’empreinte carbone, explique Gérard Boullé.

 

L'Afrique n'est pas en reste

 

A l’incapacité de booster la production locale se greffent les intempéries. Les pluies en janvier et les griffes du cyclone Freddy, égratignent Maurice et laissent des traces à Madagascar et au Mozambique. Auparavant, le pays et la région avaient déjà souffert de la canicule, de la sécheresse et de leurs impacts sur l’agriculture et l’agro-industrie. Cet ensemble conforte l’urgence d’une plateforme agricole d’Afrique.

Après l’inclusion de l’Afrique du Sud et du Nigeria – les plus grandes économies du continent – dans la liste de surveillance du GAFI, le chien de garde mondial des normes financières, on cèderait volontiers à la tentation d’éviter l’Afrique. Or, selon Vittiyaiye Teeroovengadum, doctorante en droit publique, cette crainte ne devrait plus être d’actualité.

« L’instabilité politique et le fort taux de corruption sont les principaux facteurs qui empêchent un investisseur ou un opérateur d’un état insulaire tel que Maurice à faire un pas décisif en direction du continent », renchérit-elle. « L’Afrique dispose cependant de différents accords régionaux. Le nouvel accord de libre-échange devrait aussi contribuer à promouvoir et doper le commerce intra-africain. A charge aux pays de baliser leur terrain respectif, tirer le plein de bénéfices de ces accords et contribuer au cercle et cycles de l’alimentation et de l’autosuffisance continentale et régionale. »

LA CULTURE VIVRIÈRE EN 2021

S’étalant sur une superficie de 7,922 hectares, la culture vivrière a rapporté 101,537 tonnes en 2021. En temps normal et conditions climatiques favorables aidant, le pays a la capacité de répondre à la demande générale. Une production coordonnée en termes de superficie nous évitera une situation des surabondance d’un légume particulier et une pénurie d’un autre. N’est-il pas temps de trouver ce juste équilibre ?

 

LA PRODUCTION AGRO-INDUSTRIELLE

Dans cette catégorie de produits, à l’exception du poulet, le pays dépend de l’importation. Les chiffres pour la viande de bœuf, porc et mouton ne concernent que l’abattoir de la Mauritius Meat Authority. Puisque le pays consomme ces types de viande importée et frigorifiée, on ne peut avoir un aperçu global de la demande.

 

Source : Statistics Mauritius, Agricultural and Fish Production, Year 2021)

*Creepers : calebasse, chouchou, concombre, courgette, giraumon, pipengaille et patole

**Légumes mixtes : betterave, brocoli, carottes, échalotes, laitues, manioc, poivron et patate douce

 

Les îles du paradoxe

 

Aux yeux de beaucoup, Madagascar est un pays-voisin synonyme de pauvreté extrême  et de grande difficulté à prendre son destin en main. Les Seychelles, ce ne sont que des plages de sable fin. Les Comores sont les éternelles oubliées. A l’exception de l’Afrique du Sud, on retient peu du littoral est. Mais une vision plus juste et moins clivante de ces pays conforte le projet d’une collaboration régionale dynamique.

MADAGASCAR

La Grande Ile est le producteur de référence
mondiale d’une vanille de haute qualité. Les exportations ont rapporté quelque $590 millions (Rs 25,4 milliards) au terme de la campagne 2021/2022. Sur le plan agricole, toujours, les données de la FAO montrent une sous-exploitation ayant perduré au cours de six décennies. En 1961, la superficie des terres cultivables est de 1.925 million d’hectares. Or, seuls 230,000 hectares sont sous cultivation permanente. Et en 2020, les terres cultivables disponibles passent à trois millions d’hectares, dont 20% sont utilisées à des fins agricoles. Le reste, soit 37.3 millions d’hectares, servent de champs et pâturages.

SEYCHELLES

Le seafood – thon – est la première source de revenus à l’exportation. Savez-vous qu’il y a un intérêt des investisseurs pour la production de la cannelle sur les terres seychelloises ? Selon le Seychelles Investment Board, le pays a produit neuf tonnes de cannelle en 2021, rapportant quelque deux millions de dollars.

COMORES

Nos amis comoriens de l’océan Indien sont producteurs d’épices. Nous y retrouvons le girofle, le poivre, le curcuma, la cannelle et le gingembre. 

 

Une ligne maritime au service de l’intérêt régional

CONNECTIVITÉ

Alors que les grands groupes maritimes boudent cette partie de l’océan Indien, s’appuyer sur leur réseau de vaisseaux pour desservir les îles serait une vaine tentative. Une entité régionale serait un atout tant pour Port Louis, le bassin indiano-océanique et l’Afrique de l’Est, selon la Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI).

« Maurice est doté d’un port moderne, avec des projets d’expansion et de modernisation, et a l’ambition d’accroître sa part dans le trafic de transbordement de conteneurs, » fait ressortir Namita Jagarnath Hardowar, présidente de la MCCI. 

« Toutefois, pour qu’une ligne maritime régionale puisse être efficiente, il faut l’engagement de tous ceux concernés par ce problème. C’est un projet collectif qui doit donc comprendre plusieurs parties prenantes régionales. »

Une compagnie maritime ayant un point d’ancrage régional ou port-louisien se greffera au projet de l’Etat visant à soutenir l’industrie axée vers l’exportation. Mention a été faite dans le budget de la location de deux vaisseaux. Sur la Route de l’Inde, un navire assurera la connexion entre Maurice, le sud de l’Asie (dont la Chine, le Sri Lanka et les Seychelles). Sur la Route de l’Afrique orientale, le vaisseau fera le lien entre les pays de l’Afrique de l’Est (dont Madagascar, la Tanzanie et le Kenya).

« Quel opérateur économique ne serait pas content de savoir qu’il peut importer des matières premières d’un pays de la région dans un délai court et à un prix compétitif, au lieu de se tourner vers un pays lointain ? Une ligne maritime régionale rapprochera davantage les pays sur le plan du commerce intrarégional », explique la présidente de la MCCI.

Toute nouvelle compagnie maritime ayant son point d’ancrage à Maurice redynamisera une activité portuaire amoindrie au cours de la pandémie.

En 2019, l’année de référence d’avant la pandémie, 8,52 millions de tonnes de marchandises y ont été manutentionnées, chutant à 7,6 millions de tonnes deux ans plus tard.

Et Namita Jagarnath Hardowar d’ajouter : « Certaines initiatives ont déjà été enclenchées par la Commission de l’océan Indien et le COMESA en vue de réfléchir collectivement à des actions visant à promouvoir la connectivité maritime régionale. »

LES CHIFFRES-CLÉS DES ÉCHANGES COMMERCIAUX EN 2023

L’alimentaire pèse lourd dans les factures à l’importation, avec la valeur de tels achats passant de Rs 39,73 milliards en 2021 à Rs 52,81 milliards un an plus tard. Ce montant de Rs 52,81 milliards représente 18% de nos importations. Effectuons un tour d’horizon en chiffres, selon un rapport en date du 24 février, publié par Statistics Mauritius. (A noter que 2022 est la première année normale post-pandémie. Le pays a accueilli presque un million de touristes, soit davantage de bouches à nourrir…)

Importation trimestrielle de produits alimentaires*

 

Une sélection des aliments importés

 

De nos voisins de l’Océan indien et d’Afrique 

Dans la répartition géographique de nos importations, la loi de la proximité est reléguée au dernier rang. Car, voyez-vous, les fournisseurs africains ont écoulé des marchandises valant Rs 40 milliards au pays, soit 14% du montant total. On pourrait conclure, d’une part, qu’il y existe une belle marge de manœuvre dans la diversification des sources en Afrique. Et d’autre part, réduire cette forte dépendance sur l’Afrique du Sud.

 

Questions à Jacqueline Sauzier, Chambre d'Agriculture

 


ASSURONS LA PROMOTION DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

La Secrétaire-Générale de la Chambre d’Agriculture de Maurice affirme d’emblée qu’atteindre l’autosuffisance relève de l’impossible. Il ne faudrait point être défaitiste pour autant. Elle fait le point sur la production agricole dans le pays.

EST-CE QUE L’AUTOSUFFISANCE EST SYNONYME D’UTOPIE POUR MAURICE ?

C’est une utopie si nous considérons l’autosuffisance alimentaire comme un idéal et que de surcroit nous tentons de l’atteindre sachant que c’est quasi-impossible. Il faut se rendre à l’évidence, et un bon nombre de gens le savent aussi : Maurice n’a pas la capacité d’être autosuffisant. Notre situation géographique, le climat, la logistique, le manque de main-d’œuvre et autres facteurs, ne le permettent pas.

Il nous faudrait plutôt promouvoir la souveraineté alimentaire, qui consisterait à mettre en place des pratiques de production durables pour avoir une alimentation saine pour tous. Pour y arriver, il est nécessaire de revoir nos modèles de production en y ajoutant de la planification, de la capacité de stockage, de la transformation et une dose de financement pour mettre en place une chaine de production intégrée. 

SOMMES-NOUS ENCORE LOIN DES DIFFÉRENTS PALIERS D’AUTOSUFFISANCE ?

Dans le cas de la production de la volaille, nous produisons effectivement toute la chair et les œufs nécessaires aux besoins alimentaires du pays. Cependant, il ne faut pas oublier notre dépendance à une grande partie des denrées nécessaires à la fabrication des aliments pour ces volailles. Tel est aussi le cas pour la majorité de nos légumes où notre dépendance est sur les intrants, principalement la fertilisation et la semence. 

L’importation pour la consommation ne devrait être nécessaire que pour les légumes saisonniers, comme par exemple, la pomme de terre où l’importation est nécessaire entre février et juillet, en raison de la durée actuelle de stockage de cette commodité. Cependant il serait intéressant de faire quelques investigations sur ce sujet, à Maurice, nous ne stockons la pomme de terre que trois à quatre mois quand elle l’est jusqu’à huit mois dans d’autres pays. Pourquoi ? Que devons-nous mettre en place pour stocker notre pomme de terre locale sur les sept mois d’entre saison et ainsi limiter nos importations ? 

 

...le terroir : la composition du sol, le climat, les semences, la façon dont on cultive...

 

TERROIR : UN PATRIMOINE À TRANSMETTRE

Qu’est-ce qui rend la cannelle des Seychelles particulière ? Qu’est-ce qui fait la renommée de la vanille de Madagascar ou du fameux ananas Victoria ? Qu’est-ce qui pousserait le consommateur à choisir le produit local ou régional face à l’importation ?

C’est le terroir : la composition du sol, le climat, les semences, la façon dont on cultive... Sur le modèle européen des “Appellation d’Origine Protégée” (AOC) et “Indication Géographique Protégée” (IGP), on pourrait imaginer que chaque ile de l’océan Indien se dote de son IGP pour identifier et valoriser l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’artisanat traditionnel. 

A Rodrigues, on a presque envie de dire que ce sont les conditions difficiles qui donnent du goût aux produits. Une fois qu’on y a goûté, le caractère singulier du terroir rodriguais s’impose comme une évidence, du miel aux limons, en passant par le piment et les saucisses.

Mais pourquoi insister sur la différence entre deux piments ? Entre les produits de deux pays ? L’un n’est pas meilleur que l’autre... C’est plutôt l’idée de valoriser ce qui est différent car il y a, dans chaque produit, dans chaque terroir, un patrimoine qui doit se transmettre, une mémoire qu’il faut garder vivante, une contribution singulière à la gastronomie des Mascareignes.